LES ÉTOILES ET LA SPECTROSCOPIE
D'après :
  • CD-Rom Science Interactive - Hachette Multimédia - 1999
  • Astronomie, Les Astres, L'Univers - Larousse - 1948
  • Patience dans l'azur - Hubert Reeves - France Loisirs - 1982
  • Dictionnaire de Physique - E. Lévy - PUF - 1988

  • INSTRUMENTATION

    Les premières étude détaillée du spectre solaire furent effectuées en 1815 par l'opticien bavarois Fraunhofer qui, en observant à l'aide d'une petite lunette de visée le spectre de la lumière solaire traversant une fente fine éloignée de plusieurs mètres, puis un prisme placé sur la plate-forme d'un goniomètre, découvrit plusieurs centaines de raies noires (cinq cent soixante-quatorze au total), dont il désigna les principales par les lettres A, B, C, ..., H, K; a, b, ..., h. Ces désignations ont été conservées et les raies sombres du spectre solaire normal sont toujours couramment appelées raies de Fraunhofer.

    Après Fraunhofer, et pendant une quarantaine d'années, chimistes et physiciens s'employèrent à observer un grand nombre de spectres de laboratoire à l'aide du spectroscope, qui prit sa forme définitive lorsque le Français Babinet eut l'idée, en 1832, de remplacer la fente éloignée par un collimateur, formé d'une fente très fine placée au foyer d'un objectif donnant de celle-ci une image virtuelle à l'infini, et le physicien américain W. Draper créait, en 1843, le spectrographe, en recevant directement le spectre solaire sur une plaque photographique daguerrienne.

    La première photographie de spectre stellaire, un spectre de Véga montrant quatre raies sombres de l'hydrogène, fut obtenu, en 1872, par l'astronome américain H. Draper, à l'aide d'un prisme de quartz placé en avant du foyer de son télescope de 72 centimètres d'ouverture, suivant le principe du spectrographe sans fente.

    Mais c'est l'Anglais Huggins qui réussit le premier à étudier de façon détaillée les spectres des Étoiles brillantes en fixant un spectrographe à fente de type normal au foyer d'un télescope de 45 centimètres ; le premier spectre de Véga ainsi obtenu, en 1876, présentait déjà sept raies d'absorption  de l'hydrogène dans le violet et le proche ultraviolet ; le châssis photographique étant monté dans un cadre mobile parallèlement à la direction des raies, Huggins prenait sur la même plaque, pour servir de comparaison, le spectre de la lumière solaire réfléchie par la Lune ou les Planètes.

    Les étoiles étant pratiquement à l'infini, les rayons qui en viennent sont parallèles; le collimateur est, par suite, inutile; il peut donc être supprimé, et le spectrographe se réduit à un prisme suivi de la chambre photographique ; il suffit donc de placer simplement devant l'objectif d'une chambre photographique un grand prisme de  petit angle pour obtenir directement sur la plaque les spectres peu étalés de toutes les étoiles suffisamment brillantes situées dans le champ de l'appareil. Comme les étoiles ne donneraient que des images monochromatiques ponctuelles et, par suite, des spectres  filiformes difficilement lisibles, il est nécessaire d'élargir ce spectre, ce qui  s'obtient en faisant, traîner , l'image sur la plaque parallèlement aux arêtes du prisme, grâce aux mouvements lents de l'équatorial (en ascension droite si les arêtes du prisme sont orientées est-ouest par exemple).

    Prisme-objectif, spectrographe sans fente, spectrographe à fente : tels sont les trois instruments fondamentaux mis en œuvre pour l'analyse spectrale des corps célestes.

    Le premier convient à l'étude spectrale simultanée d'un grand nombre d'Étoiles avec une faible dispersion et se prête bien aux travaux de reconnaissance et de statistique ; le second est surtout utilisé en liaison avec les grands télescopes pour l'enregistrement de spectres peu dispersés d'astres très faibles, inaccessibles aux instruments à prisme-objectif ; le dernier, enfin, instrument classique d'analyse spectrale, convient à l'étude détaillée individuelle des spectres très dispersés des astres suffisamment brillants.





    SPECTROSCOPIE STELLAIRE

    La spectroscopie est une technique qui permet de séparer les contributions des différentes longueurs d’onde à la lumière provenant de la source étudiée. On appelle " spectre " le graphique dans lequel est indiquée l’intensité lumineuse en fonction de la longueur d’onde (ou de la fréquence) de la lumière.

    On a un spectre continu (1) quand la quantité de lumière émise n’est pas trop différente à toutes les longueurs d’onde étudiées. Un spectre continu typique est celui du corps noir émis par la matière dans des conditions d’équilibre thermique et de très grande opacité.

    Le spectre est appelé spectre de raies (2), quand on a affaire à des longueurs d’onde dominantes précises, tandis que les longueurs d’onde environnantes fournissent des contributions négligeables. Ce type de spectre est généré par exemple par des nuages de gaz : les atomes, ions ou molécules constituant le nuage, présentent des niveaux d’énergie bien déterminés, les transitions d’un niveau énergétique à l’autre correspondent à un spectre de raies. Si ?E est la différence d’énergie entre les deux niveaux énergétiques en question, selon la mécanique quantique, ne pourront être émis ou absorbés que des photons de longueur d’onde ? spécifiques, étant définis par la relation ? = hc/?E (h étant la constante de Planck et c la vitesse de la lumière).

    Si le nuage de gaz est éclairé par une source lumineuse située derrière lui, il se crée un spectre d’absorption (3), car les espèces présentes dans le nuage ne soustraient au spectre continu que leurs longueurs d’onde caractéristiques. Celles-ci sont absorbées quand ont lieu les transitions de niveaux d’énergie inférieure aux niveaux d’énergie supérieure, puis réémises quand ont lieu les transitions inverses, mais dans des directions différentes de la direction de provenance. Par conséquent, le spectre de la source apparaît privé de longueurs d’onde caractéristiques, qui dans l’enregistrement du spectre apparaissent comme une série de bandes sombres, dites raies d’absorption.

    Joseph von Fraunhofer, en 1814, observa pour la première fois ces raies dans le spectre de la lumière provenant du Soleil (4). Dans ce cas, les atomes et les ions présents dans les couches les plus périphériques du Soleil (et donc les plus froides) absorbent la lumière provenant des couches internes (plus chaudes et opaques, et irradiant par conséquent comme un corps noir). Si, en revanche, le nuage de gaz est suffisamment chaud et raréfié, il émet lui-même les longueurs d’onde caractéristiques des éléments constituants, qui sont dites raies d’émission. Chacun des éléments (sous une forme atomique ou ionique), et chacune des espèces moléculaires possèdent une succession de raies caractéristiques, qui les identifie de façon univoque. En étudiant les spectres des étoiles, il est donc possible de comprendre de quels éléments chimiques elles sont constituées (sur la base des longueurs d’onde particulières des raies) et dans quelles proportions (sur la base de l’intensité des raies). La comparaison des intensités des différentes raies de la même espèce permet la détermination de la température du gaz responsable de l’émission.
     
    Raies C, F, g, h de Fraunhofer (L : Lyman, H : Balmer, P : Paschen de l'hydrogène) et autres raies
    Joseph von Fraunhofer  1787-1826 : Physicien Allemand, né à Straubing (Bavière). Il inventa le spectroscope et étudia les raies du spectre solaire.

    Raies de Fraunhofer. - Raies sombres que l'on observe dans le spectre de la lumière solaire sur un fond coloré continu. L'existence de ces raies, déjà décelées quelques années plus tôt par Wollaston a été confirmée vers 1805 par Fraunhofer, lequel, grâce à l'utilisation du spectroscope à prisme suffisamment dispersif, qu'il sut construire, en découvrit plus de 500 dans le seul spectre visible. Chacune de ces raies, caractérisée par sa position dans le spectre, on dira plus tard par sa longueur d'onde, reçut une désignation symbolique où furent utilisés lettres et chiffres, désignation encore utilisée de nos jours.

    L'explication de ces observations apparut plus tard (vers 1860) lorsque furent connus les spectres d'absorption caractéristiques de tout élément chimique. 0n a donc attribué les raiesde Fraunhofer à l'absorption des radiations correspondantes par des éléments présents sur le trajet de la lumière, tantôt au voisinage immédiat du soleil - raies chromosphériques -, tantôt au voisinage de la terre - raies telluriques. Ainsi la présence de l'hydrogène a été décelée dans la chromosphère solaire par son spectre d'absorption, qui dans la partie visible comprend les raies C (rouge), F (bleue), f (indigo), h (violette), tandis que l'ozone dans l'atmosphère terrestre donne des bandes d'absorption (une bande est formée d'une série de raies fines très rapprochées) qui limitent vers l'ultra-violet le spectre de la lumière que nous recevons sur la Terre.

    Ces divers résultats furent les premiers obtenus par l'analyse spectrale, technique d'identification d'un élément chimique par l'ensemble de ses raies spectrales. On lui doit la découverte de nombreux éléments, tel l'hélium découvert pour la première fois dans la chromosphère (Janssen et Lockyer, 1868), puis sur Terre (Crooks, 1895). Mais cela ne va pas sans certaines erreurs (Coronium, Nébulium). C'est à cette technique que l'on doit la plupart de nos connaissances sur la composition chimique des objets célestes : planètes, soleil, étoiles, nébuleuses et galaxies lointaines...

    Coronium. - Elément chimique hypothétique, dont on avait cru découvrir l'existence, grâce à son spectre, dans la couronne solaire (1864). Il a été établi par la suite que les raies spectrales alors inconnues, origine de cette hypothèse, appartiennent en réalité au spectre du fer fortement ionisé (1942). La présence d'oxygène fortement ionisé dans certaines nébuleuses avait fait croire également à un élément inconnu baptisé nébulium.


    INDICES DE COULEUR

    Les étoiles émettent de la lumière à toutes les longueurs d’onde, mais ont chacune un pic d’émission à une longueur d’onde spécifique qui dépend de la température de la photosphère et de sa composition chimique. La distribution de l’intensité lumineuse dans les différentes longueurs d’onde (spectre) est approximativement celle d’un corps noir.

    Si la température superficielle de l’étoile est élevée (au-dessus de 10 000 K), l’étoile émet une grande partie de son énergie dans l’ultraviolet. L’énergie est émise pour l’essentiel à des longueurs d’onde courtes du spectre visible, et l’étoile apparaît bleuâtre. Dans les étoiles ayant une température superficielle moyenne, autour de 6 000 K, comme notre Soleil, le maximum d’émission a lieu dans la partie centrale du spectre visible, et l’étoile apparaît d'un blanc jaunâtre. Pour des étoiles froides, ayant des températures inférieures à 3 000 K, la plupart de l’énergie est émise à des plus grandes longueurs d’onde dans le spectre visible. Ces étoiles apparaissent donc rougeâtres. Dans les observations de photométrie, la longueur d’onde est déterminée par des filtres particuliers placés devant le révélateur de lumière. Les filtres les plus utilisés sont ceux du système photométrique Johnson. Les plus importants de ce système sont le filtre U, qui sélectionne des longueurs d’onde ultraviolettes entre 363 et 368 nm ; le filtre B, qui sélectionne des longueurs d’onde comprises entre 390 et 490 nm, correspondant à la couleur bleue ; le filtre V, qui reproduit une sensibilité aux couleurs semblable à celle de l’œil humain ; le filtre R (rouge) qui sélectionne des longueurs d’onde comprises entre 590 et 810 nm. Selon le filtre utilisé, on a donc des magnitudes Ultraviolettes, Bleues, Visibles, Rouges, et ainsi de suite, que l’on indique respectivement par mU, mB, mV, mR... La comparaison entre les différentes magnitudes d’une même étoile (photométrie à plusieurs couleurs) fournit des informations importantes sur la température et la composition de l’étoile, et, comme nous le verrons, permet de la classer. Les astronomes définissent à cette fin les indices de couleur. Les indices de couleur sont simplement des différences de couleur entre deux différentes magnitudes. Par exemple, l’indice (B-V) est simplement mB - mV, et de la même façon (U-B) = mU - mB. L’indice de couleur permet d’évaluer quantitativement la température d’une étoile. Si l’étoile est très chaude, la plupart de l’énergie est émise dans des longueurs d’onde courtes, et par conséquent mB < mV. L’indice de couleur (B-V) est donc négatif. Inversement, des étoiles froides ont (B-V) positif. En pratique (B-V) varie de -0,1 pour les étoiles ayant une température superficielle de 15 000 K à +0,6 pour des températures superficielles d’environ 6 000 K (c’est le cas du Soleil), à +1,8 pour des températures superficielles situées autour de 3 000 K. L’indice (U-B) est utilisé pour établir la profondeur de la discontinuité de Balmer dans le spectre stellaire.
     

    CLASSIFICATION DES ÉTOILES

    L’étude de la spectroscopie stellaire commença en 1860 avec l’astronome italien Angelo Secchi. Il fut le premier à classer les étoiles sur la base de leurs spectres. Il existe une énorme variété de spectres. Par exemple, certains spectres sont dominés par des raies d’émission de l’hydrogène, d’autres par des raies d’absorption du calcium et du fer, d’autres encore présentent de larges raies d’absorption moléculaires (par exemple liés à l’oxyde de titane). À la fin du XIXe siècle, les astronomes avaient subdivisé les étoiles en classes identifiées par des lettres allant de A à Z, sur la base de l’intensité des raies de la série spectrale de Balmer de l'hydrogène.

    La classe A comprenait les étoiles ayant des raies plus brillantes et la classe P les étoiles ayant les raies plus faibles. Par la suite, le monumental travail de Edward C. Pickering, avec Willamina P. Fleming, Antonia C. Maury et Annie Jump Cannon, chercheurs de l’Harvard College Observatory, aboutit à la classification de milliers de spectres d’étoiles, qui furent subdivisés de façon à avoir des caractéristiques spectrales variant de façon continue lors d’un passage d’une classe à l’autre. Nombre de classes originales de A à P furent éliminées, d’autres furent renforcées, et on réordonna les classes selon la séquence O-B-A-F-G-K-M. Pour chacune des classes furent introduites des sous-classes identifiées par un nombre entier de 0 à 9 ajouté à la classe. Par exemple, le Soleil est de classe G2. Le travail du groupe de Harvard fut publié en 1824 par Cannon et Pickering sous le nom d’Henry Draper Catalogue (du nom du riche médecin et astronome amateur qui finança le projet). Ce catalogue contenait 225 300 étoiles, chacune accompagnée de son type spectral. Entre-temps, le développement de la physique atomique avait permis d’interpréter physiquement les spectres stellaires.






    TYPES SPECTRAUX

    Entre 1920 et 1930, l’astronome Cecilia Payne de Harvard et le physicien Meghnad Saha originaire de l’Inde étudièrent la façon dont les spectres des étoiles dépendent de la température de la surface. Il fut ainsi évident que la séquence OBAFGKM, qui représente l’évolution des spectres stellaires, est en fait une séquence de températures décroissantes. Par exemple, les étoiles les plus chaudes (type spectral O) présentent des raies d’absorption proéminentes, dues à des atomes ionisés de nombreuses fois (c'est-à-dire présentant de nombreux électrons manquants). Ceux-ci ne peuvent exister que si la température du gaz est supérieure à 20 000 K. À l’autre extrémité de la classification, les étoiles les plus froides sont de type M, et présentent dans leur spectre des raies d’absorption, dues à des molécules telles que l’oxyde de titane, qui ne pourraient pas exister si la température était supérieure à 3 000 K. En ce qui concerne l'hydrogène, les raies de la série spectrale de Balmer ne peuvent être très proéminentes que si la température de l’étoile se situe autour de 10 000 K. En effet, dans des gaz plus chauds, les photons de haute énergie provenant de l’intérieur de l’étoile peuvent facilement arracher l’unique électron des atomes d’hydrogène présents dans la photosphère de l’étoile. Dans ce cas, il ne peut pas se former des raies spectrales, si bien que les étoiles les plus chaudes (types spectraux O et B) ne présentent pas de raies de Balmer proéminentes. D’autre part, dans les gaz plus froids que 10 000 K, les photons qui proviennent de l’intérieur de l’étoile n’ont pas assez d’énergie pour provoquer des transitions correspondant à la série de Balmer. Par conséquent, même les types spectraux de G à M ne présentent pas de raies de Balmer importantes. Il se trouve en outre que la luminosité de l’étoile est d’autant plus grande que sa température superficielle est plus élevée, ce que l'on exprime par la formule L = bT5,5: la luminosité est proportionnelle à la température élevée à la puissance 5,5. Selon la température, différents éléments dominent le spectre stellaire. Nous avons vu le cas de l'hydrogène pour des températures autour de 10 000 K. Pour des températures plus élevées, par exemple autour de 25 000 K, les raies dominantes sont celles de l’hélium, tandis que pour des températures supérieures à 30 000 K, l’hélium ionisé une fois prédomine. Les principales caractéristiques des types spectraux sont résumées dans le tableau suivant. Les atomes ionisés sont indiqués ici par le symbole chimique suivi d’un nombre romain qui indique le degré d’ionisation : I pour les atomes non ionisés, II pour les atomes ionisés une fois (dans lesquels l’électron le plus périphérique a été arraché), III pour les atomes ionisés deux fois, et ainsi de suite. En spectroscopie astronomique, on appelle " métaux " tous les éléments plus lourds que l’hélium.

    Type Température Couleur Raies dominantes
    O 20 000 à 35 000 K Bleu He II,C III, N III, O III, Si V
    B autour de 15 000 K Bleu-blanc H I, O II, Si II, Mg II
    A autour de 9 000 K Blanc H I, Mg II, Si II, Fe II, Ti II, etc.
    F autour de 7 000 K Jaune-blanc H I, Ca II, Fe I, Fe II, Cr II, Ti II
    G autour de 5 500 K Jaune H I faibles, Ca II, et métaux forts
    K autour de 4 000 K Jaune-orange métaux, Ca I fort, TiO commence à K5
    M autour de 3 000 K Rouge TiO proéminente, nombreux métaux

    La composition de l’étoile peut donc être déterminée au moyen de la spectroscopie. L'hydrogène et l’hélium sont de loin les plus abondants, mais presque tous les éléments sont présents, même si on les rencontre dans des proportions infiniment plus faibles.
     

    LE DIAGRAMME HR

    En 1905, l’astronome danois Ejnar Hertzsprung montra que si l’on met dans un graphique la magnitude absolue des étoiles en fonction de l’indice de couleur, les points correspondant aux différentes étoiles se disposent selon des lignes très précises. Le même résultat fut obtenu indépendamment par l’astronome américain Henry Norris Russell, avec un graphique de la magnitude absolue en fonction du type spectral. Ce type de graphique est donc appelé diagramme de Hertzsprung-Russell ou HR. Évidemment, il existe une dépendance entre la luminosité stellaire et la température superficielle de l’étoile. Dans le cas contraire, autrement dit si ces deux grandeurs étaient indépendantes, les points correspondants aux différentes étoiles devraient être distribués au hasard sur tout le diagramme. En revanche, la plupart des points sont distribués selon une bande diagonale qui relie la zone à basse température (rouge) et faible luminosité à la zone à haute température (bleue) et grande luminosité. Cette bande est appelée séquence principale. Les étoiles disposées selon cette bande sont appelées étoiles " de séquence principale ". Le Soleil est l’une de ces étoiles. Dans la zone de magnitude moyenne et de type spectral plus froid, il part de la séquence principale une deuxième bande, constituée d’étoiles brillantes et plus froides. Pour qu’il en soit ainsi, ces étoiles doivent être nécessairement énormes, vu qu’un corps froid irradie peu de puissance par unité de surface (selon la loi de Stefan-Boltzmann, la puissance irradiée est proportionnelle à la puissance quarte de la température). La seule façon pour obtenir une luminosité élevée à faible température, est d’avoir une grande étendue, et donc un grand diamètre de l’étoile. Ces étoiles sont donc appelées " géantes " et sont de 100 à 1 000 fois plus grandes que le Soleil. Les plus froides d’entre elles sont dites géantes rouges, d’après leur couleur caractéristique. Des exemples typiques sont Aldébaran (dans la constellation du Taureau) et Arcturus (dans la constellation du Bouvier). Il existe par ailleurs un certain nombre d’étoiles superlumineuses, dites " supergéantes ". Des exemples typiques sont Bételgeuse dans la constellation d’Orion et Antarès dans la constellation du Scorpion. Enfin, il existe un groupe d’étoiles chaudes et peu lumineuses, qui doivent donc être plus petites. Il s’agit des " naines blanches " qui ne sont visibles qu’au télescope.

    Dans le cas de Bételgeuse, une supergéante ayant une luminosité 10 000 fois plus élevée que celle du Soleil et une température de 3 000 K "seulement ", on obtient un rayon 370 fois plus grand que celui du Soleil. Par contre, les étoiles de la séquence principale ont toutes des rayons du même ordre de grandeur que celui du Soleil, tandis que les naines blanches ont des rayons semblables à celui de la Terre. Sur la base du groupe d’appartenance dans le diagramme HR, on définit 5 classes de luminosité :

    Le Soleil est donc classé comme une étoile G2V, Aldébaran est une étoile K5III. Cette notation compacte fournit de nombreuses informations. Elle permet de savoir qu’il s’agit d’une géante, que sa luminosité est 500 fois plus grande que celle du Soleil, et que sa température superficielle est d’environ 4 000 K.

    L’appartenance à un groupe du diagramme HR signifie simplement que l’étoile se trouve dans une phase particulière de son évolution.
     
    L'évolution stellaire illustrée (Hubert Reeves : Patience dans l'azur p. 239, 240, 241, 242, 243, 244)
    Le jeu se joue de deux façons. D'abord, on place toutes les étoiles du ciel sur un grand damier (appelé diagramme de Hertzsprung-Russell, voir schémas 1 et 2) selon leur couleur (horizontalement) et selon l'intensité lumineuse qu'elles émettent (verticalement). Les étoiles ne se répartissent pas uniformément sur le damier. Elles s'entassent dans certaines régions privilégiées. La région la plus peuplée - la « série principale » - occupe toute une diagonale. Là se retrouvent toutes les étoiles qui brûlent de l'hydrogène en hélium, à un taux qui varie avec la position sur la diagonale : les étoiles petites et rouges - en bas à droite - y mettent des dizaines de milliards d'années ; le Soleil, au centre, dix milliards d'années ; Sirius, plus haut, deux milliards d'années ; et Rigel, en haut à gauche - le domaine des géantes bleues -, quelques millions d'années. La seconde région du diagramme, en haut à droite, est occupée par les géantes rouges et les supergéantes rouges - comme Bételgeuse, Antarès, Aldébaran - occupées à brûler en leur cœur l'hélium en carbone et oxygène. En revenant vers la gauche, on trouve la « branche horizontale » où se situent des étoiles encore plus avancées dans leur évolution nucléaire : fusion du carbone, de l'oxygène ou du silicium. Dans la prolongation de cette branche, il y a la région des nébuleuses planétaires, puis, après un tournant brusque vers la gauche, la bande des naines blanches.
    Dans un deuxième temps, on met sur le damier une seule étoile et on suit son parcours tout au long de sa vie (voir les schémas 3 et 4). Le parcours, appelé trajectoire H-R, et la vitesse de déplacement le long du parcours dépendent de la masse de l'étoile. Aussitôt après leur naissance dans l'effondrement d'un grand nuage interstellaire, les étoiles rouges et très lumineuses - appelées aussi étoiles de type T Tauri - se dirigent rapidement vers la gauche, atteignent la série principale. Elles y séjournent jusqu'à épuisement de leur hydrogène central. De là, elles repartent vers la droite, épuisent leur hélium dans la zone des géantes rouges et s'engagent dans la branche horizontale en accédant à des phases plus avancées de fusion nucléaire. Les étoiles très massives atteindront, vers ce stade, les températures fatidiques - quatre ou cinq milliards de degrés - qui amènent l'explosion de l'étoile en supernova. Les étoiles d'environ une masse solaire ou moins parcourent toute la branche horizontale, atteignent le stade des nébuleuses planétaires, font demi-tour derrière la série principale, et glissent sur la pente des naines blanches vers la voie sans issue des étoiles privées de sources d'énergie nucléaire, agonisant en naines noires.
    Schéma 1. Diagramme couleur-luminosité des étoiles (diagramme de Hertzsprung-Russell). L'échelle verticale est graduée en luminosité stellaire absolue (en unité de luminosité solaire), tandis que l'échelle horizontale est en « couleur stellaire », ou, ce qui est équivalent, en température superficielle. Les astronomes utilisent une classification plus détaillée appelée « type spectral », et à laquelle correspondent les lettres 0, B, A, F, G, K, M, inscrites sur l'échelle du bas. Sur la région hachurée de la série principale, le diagramme donne la masse des étoiles qui s'y trouvent situées, en unités de masse solaire.
    Schéma 2. Nos étoiles familières sur le diagramme H-R. Chaque étoile est disposée selon sa luminosité et sa couleur superficielle. On voit bien apparaître la série principale, la région des géantes rouges et deux naines : Sirius B et Procyon B. Sur l'échelle de gauche, on a indiqué, en millions d'années, le temps de séjour sur la série principale - ou le temps requis pour brûler l'hydrogène en hélium. Ce temps représente, à peu de chose près, la vie totale de l'étoile, puisque les autres phases stellaires se passent beaucoup plus rapidement.
    Spica et Bellatrix, par exemple, vivront toutes les étapes de leur vie en quelques dizaines de millions d'années, tandïs que l'étoile de Barnard ou Proxima du Centaure brilleront encore longtemps après que le Soleil sera devenu une naine noire.
    Schéma 3. Le destin du Soleil. Dans le plan H-R, on a marqué la trajectoire assignée au Soleil. Les chiffres, en millions d'années, désignent le temps écoulé depuis sa naissance dans l'effondrement d'un grand nuage interstellaire. Après la transformation de la nébuleuse protosolaire en « système solaire », après la traversée de la phase T Tauri, il s'est installé sur la série principale où il se trouve encore aujourd'hui. Dans cinq milliards d'années, il reprendra sa course vers la région des géantes rouges, puis le long de la branche horizontale, et, après être passé par la zone des nébuleuses planétaires, il ira mourir lentement sur la voie des naines blanches et des naines noires.
    Schéma 4. Le destin d'une étoile massive. La trajectoire d'une étoile beaucoup plus massive que le Soleil est parcourue à une allure autrement plus rapide. L'arrivée sur la série principale se fait en moins d'un million d'années et le séjour dans cette phase stellaire est terminé - par exemple pour Rigel - en moins de dix millions d'années. Les étapes « géante rouge » et « branche horizontale » sont encore plus brèves. On soupçonne, sans en avoir la certitude, que l'explosion finale en supernova se produit quelque part dans la région des supergéantes rouges.

    COMMENT FONCTIONNE UNE ÉTOILE

    Les étoiles brûlent de l'hydrogène. Ces réactions thermonucléaires ne peuvent avoir lieu que si la température est suffisamment élevée, de l’ordre de 16 millions de degrés kelvins. Dans ce cas, l’énergie d’agitation thermique est très forte, et les protons se meuvent si rapidement que chaque proton peut arriver très près de l’autre, en dépit de la présence de la force électrique répulsive (répulsion coulombienne).

    Si les deux protons sont suffisamment proches, la force nucléaire forte, attractive, prédomine sur la répulsion électrique, et les deux protons se lient l’un à l’autre. À ce point, la force nucléaire faible transforme l’un des deux protons en neutron. Il se forme ainsi un noyau de deutérium. Avec l’arrivée d’un troisième proton, on obtient un noyau d’hélium-3 (l'isotope léger de l’hélium formé de deux protons et d’un neutron), ainsi que l’émission d’un photon gamma. À la fin, deux noyaux d’hélium-3 se combinent pour former un noyau d’hélium-4 (deux protons et deux neutrons), et libérer deux protons et un photon gamma. Ce processus est appelé chaîne proton-proton. C’est là la source de la prodigieuse énergie produite par le Soleil et par les autres étoiles semblables au Soleil.

    Dans des étoiles plus massives que le Soleil, dans lesquelles la température centrale est plus élevée, il se produit d’autres réactions nucléaires, appelées cycle CNO (carbone, azote, oxygène) qui ont toujours pour effet de convertir des noyaux d’hydrogène en noyaux d’hélium, à l’aide de noyaux de carbone, lequel fait office de catalyseur, et avec la production temporaire de noyaux d’azote et d’oxygène.

    Les étoiles sont d’énormes fournaises cosmiques où sont forgés tous les atomes de l’Univers (hydrogène et hélium mis à part), grâce à la fusion de noyaux plus simples en noyaux plus complexes. Cela commence par la combustion d’hydrogène et la formation d’hélium dans la première phase de l’évolution ; une fois l'hydrogène consumé, on passe à la formation du carbone et de l’oxygène, puis du sodium, du magnésium, de l’aluminium, du silicium, du soufre et du calcium. Ensuite, se forment les métaux communs : fer, nickel, chrome, manganèse, cobalt. Tous les éléments cités ci-dessus sont le résultat des réactions nucléaires principales. En même temps, se produisent des réactions secondaires, qui produisent les éléments les moins abondants. Le carbone et l’azote présents dans nos corps, le fer dans notre sang, tous les atomes complexes présents sur la Terre, ont donc été synthétisés il y a longtemps dans une étoile. Cette théorie, dite nucléosynthèse stellaire, a été proposée pour la première fois par E. M. Burbidge, William A. Fowler, Fred Hoyle et A. G. W. Cameron en 1957.
     

    LA SÉQUENCE PRINCIPALE

    Une étoile appartient à la séquence principale tant qu’elle transforme l’hydrogène par les réactions thermonucléaires. La durée de cette phase est grosso-modo inversement proportionnelle à sa masse au cube. Les étoiles les plus massives brûlent rapidement l'hydrogène du noyau de l’étoile. Par exemple, une étoile de 25 masses solaires a une température superficielle de 35 000 K, une luminosité de 80 000 luminosités solaires et une phase séquence principale de 3 millions d’années seulement. Une étoile de 0,5 masse solaire a une température superficielle de 4 000 K, une luminosité égale à un trentième de la luminosité solaire, et une phase séquence principale qui dure environ 80 milliards d’années ! Le temps écoulé dans cette phase de vie de l’étoile est le plus long de toute la vie d’une étoile. Il représente 90 % de la vie d’une étoile. Pour une étoile comme le Soleil, on estime que la durée de vie sur la séquence principale est d’environ 10 milliards d’années. Actuellement, le Soleil est arrivé à mi-chemin, puisqu’il est âgé d’environ 4,6 milliards d’années. Le pourcentage d’hydrogène au centre du Soleil est déjà descendu de 75 % à 35 % en faveur de l’hélium qui, de 25 %, est passé à 60 %. Toutefois, dans le Soleil, il y a encore assez d’hydrogène pour brûler pendant encore 5 milliards d’années.
     

    GÉANTES ROUGES

    Tandis que l'hydrogène continue à se consommer dans des couches de plus en plus périphériques, l’étoile augmente de luminosité. Le noyau d’hélium qui s’est formé au centre par fusion de l'hydrogène se contracte, et l’étoile se gonfle en périphérie de façon disproportionnée. L’abaissement de la température dans les couches superficielles, jusqu’à 3 500 K, réduit l’émission de photons violets et bleus. Les longueurs d’onde plus longues dominent maintenant, et l’étoile prend une couleur rouge caractéristique. Une géante rouge est née. C’est là le destin de notre Soleil, dans 5 milliards d’années. L’étoile se gonflera jusqu’à englober d’abord Mercure, puis Vénus, et peut-être, la Terre. Dans le noyau de l’étoile, il y a contraction, réchauffement, puis démarrage de la fusion de l’hélium.

    Dans le cas des géantes rouges, après la combustion de l’hélium, le noyau se présente riche en carbone et en oxygène. Une fois épuisé tout l’hélium, la compression du noyau recommence. Quand la couche d’hélium qui entoure le noyau commence à brûler, l’étoile se dilate une deuxième fois.

    Quand l’étoile ne tire plus son énergie des réactions nucléaires qui se produisent dans le noyau mais de celles siégeant dans les couches périphériques, elle peut entrer dans une phase d’instabilité. Une proportion importante, parfois supérieure à 60 %, de la masse de l’étoile est alors éjectée, ce sont les couches les plus périphériques. L’émission ultraviolette du noyau dépouillé ionise ce gaz expulsé. Le gaz éclairé constitue ce que nous appelons une nébuleuse planétaire. Même si le terme évoque les planètes, il n’existe aucun lien entre les deux classes d’objets. Le nom de nébuleuse planétaire remonte au XIXe siècle, quand des objets semblables, ne pouvant être observés de façon précise au moyen des télescopes disponibles, présentaient l’aspect de planètes. Le nombre des nébuleuses planétaires estimé pour notre Galaxie est de 50 000. Leur durée de vie est relativement courte. Au bout de 50 000 ans, le gaz s’est tellement dilué dans le milieu interstellaire qu’il n’est plus visible. L’objet résiduel évolue en naine blanche. La contribution des nébuleuses planétaires au milieu interstellaire est d’environ 15 % de toute la matière expulsée chaque année des étoiles dans les différentes phases de vie, soit à peu près 5 masses solaires. Certaines nébuleuses planétaires connues sont : M27, l'Anneau (M57) et l'Hélice (NGC7293).

    Les étoiles les plus massives, les supergéantes, ont un temps d’évolution très rapide. Au cours de leur vie, elles perdent une partie de leur enveloppe qui retourne dans le milieu interstellaire.
     

    NAINES BLANCHES

    Si la masse de l’étoile est inférieure à 4 masses solaires, la pression et la température du noyau n'atteignent pas des valeurs suffisantes pour déclencher la combustion du carbone et de l'oxygène. L’étoile résiduelle commence à se refroidir. La contraction gravitationnelle ne recommence et ne s’arrête que quand elle est équilibrée par la pression du gaz dégénéré dans le noyau. À ce moment-là, l’étoile présente des dimensions comparables à celles de la Terre. Les étoiles de ce type sont appelées naines blanches. Cela correspond à la fin de la vie des étoiles de petite masse. La densité y est de l’ordre de quelques tonnes par centimètre cube. L’équivalent de plusieurs masses solaires est concentré dans un volume comparable à celui de la Terre.

    Les naines blanches sont peu lumineuses et donc difficiles à observer. Par exemple, Sirius B, membre d’un système binaire, a une luminosité qui n’est qu’un dix millième de la luminosité de sa compagne, la brillante Sirius A. À cause de leur température élevée et de leur faible luminosité, les naines blanches occupent l’angle en bas à droite du diagramme HR.

    C’est là le destin ultime de notre Soleil.